Le maire écologiste de Langouët (35), Daniel Cueff, qui avait pris un arrêté interdisant les pesticides à moins de 150 m des habitations, suspendu par la justice, a qualifié de "pas croyable" la proposition du gouvernement de fixer une distance de 5 ou 10 mètres, pour la protection des riverains.
"Quand j'ai appris ça, je pensais que c'était une 'fake news' et que ce n'était pas sérieux ! Cette proposition n'est pas croyable", a réagi le maire de Langouët, commune rurale proche de Rennes, en Ille-et-Vilaine. "On est tombé de notre chaise car ces cinq et dix mètres, ce sont des protocoles déjà mis sur des bidons de pesticide de synthèse", a-t-il ajouté.
Distances minimales d'épandage de 5 et 10 mètres
Selon un porte-parole du ministère de l'Agriculture, le gouvernement va soumettre à consultation lundi un projet de décret qui part des recommandations scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Les distances minimales entre les habitations et les zones d'épandage de produits phytosanitaires proposées dans ce projet seront de 5 mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et de 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les céréales. Des distances "supérieures" devraient être respectées "par mesure de précaution, en particulier pour les produits classés cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction."
"Le gouvernement n'a pas pris la mesure de cette vague" anti-pesticide
"On s'est aperçu que, pour moins respirer les glyphosates et les pesticides de synthèse, il fallait une bande de 150 m car là il y a moins de chance de respirer ces pesticides qui sont volatils et qui sont dans l'air", a expliqué Daniel Cueff. Selon le maire, dont l'arrêté a entraîné la médiatisation du sujet sur le plan national, le président Emmanuel Macron et le gouvernement n'ont pas pris "la mesure de cette vague qui ne voudra pas et ne voudra plus être face à des pesticides de synthèse dans l'air".
ITW Daniel Cueff, maire de Langouët
recueillie par Jérémy Armand et Karine Hannedouche
L'arrêté anti-pesticide suspendu par le tribunal administratif
Le maire de Langouët pris le 18 mai un arrêté interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques "à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel". Ce texte a été suspendu le mardi 27 août par le tribunal administratif de Rennes.
"Le gouvernement tranchera en octobre-novembre"
Les recommandations publiées fin juin par l'Anses évoquent notamment des distances de sécurité de 3, 5 et 10 mètres, selon le type de culture. La consultation durera 3 semaines. "Le gouvernement tranchera en octobre-novembre", a complété le porte-parole. "Dans la loi Egalim, il y a des dispositions spécifiques pour la protection des riverains via la mise en place de chartes concertées avec les riverains, les agriculteurs", a rappelé de son côté Matignon. Ces règles concernant l'élaboration de chartes et de distances minimales à respecter pour l'épandage des pesticides "vont figurer dans des textes qui entreront en application au 1er janvier 2020", a ajouté Matignon.
Une distance de protection des habitations qui fait bondir les écologistes
Pour David Cormand, secrétaire national d'Europe Ecologie Les Verts, il s'agit d'une décision au "caractère historique": "c'est la première fois que l'Etat admet qu'il y a un danger grave pour les gens" après l'épandage. Mais "le problème, c'est le côté anecdotique de la décision qu'ils en tirent", a-t-il déclaré à BFMTV. "La distance est trop petite si vous avez du vent... c'est pas 5 mètres qui vont protéger", a-t-il ajouté. "Les mesures proposées sont vraiment insuffisantes au vu de ce que dit l'Anses, au vu des études scientifiques", a abondé Thibault Leroux, chargé de mission agriculture à France Nature Environnement (FNE). "Je n'y crois pas, je pense que c'est un poisson d'avril", a déploré auprès de BFMTV le photographe Yann Arthus-Bertrand, fondateur et président de la fondation Good Planet. "C'est insultant pour les gens qui se battent depuis si longtemps contre les pesticides".
ITW Joël Labbé, sénateur du Morbihan (EELV) - réaction recueillie par Jérémy Armand et Karine Hannedouche
Une mauvaise nouvelle pour la FNSEA
En revanche, la mise en place de zones de non-traitement est une mauvaise nouvelle pour le syndicat agricole FNSEA. "Ce sont des retraits importants de terres agricoles,
ce qui représente un manque à gagner très important surtout dans les zones peri-urbaines", a commenté Christian Durlin, vice-président de la commission environnement
à la FNSEA. "Nous pensons qu'il faut surtout se baser sur d'autres alternatives", a-t-il ajouté, précisant que le syndicat souhaitait voir le développement de chartes locales entre
parties prenantes. "Il y aura des zones de non-traitement mises en place là où il n'y a pas de charte de riverains", avait précisé mercredi le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume.
ITW de Christian Mochet, FDSEA 35
recueillie par téléphone par Maxime Guégnard